Le ministre de la ville et du logement, Vincent Jeanbrun, s’exprimant devant la presse vendredi, a dit souhaiter un électrochoc pour redonner envie aux ménages investisseurs d’acquérir des logements locatifs. Par ailleurs, lorsqu’il lui a été objecté l’écart entre son amendement au projet de budget pour 2026, estimé sans puissance par les professionnels de la filière, et ses intentions, il a argué du rôle du parlement pour trouver le bon équilibre. Rien ne va plus en France en matière d’offre locative, dans le neuf comme dans l’existant. Le nombre d’investissements a été divisé par dix dans la neuf depuis la fin du Pinel, et quasiment par deux dans l’ancien, sans doute sous l’effet des interdictions de louer et bien sûr à cause de la pression fiscale -nationale et locale. Dans ce contexte, alors que l’on sait ce qu’il faut faire depuis des années, le gouvernement et son ministre en charge du logement menacent de percuter deux écueils, celui de la parole vide et celui du marchandage inopportun.

La parole vide d’abord. De quel danger s’agit-il? Il consiste à redire haut et fort que la situation du marché locatif et de l’investissement est catastrophique et que le gouvernement ne va pas lésiner…et à déposer un amendement sans aucune efficacité, qui ne fera venir aucun investisseur dans le neuf et exclut l’ancien. En somme, le discours offensif est censé cacher la réalité d’une action qui ne l’est pas. La sémiologie a établi la dimension performative de la parole, notamment politique : on parle et on écrit le réel…qui reste ce qu’il est. Plus encore en l’espèce, et selon la formule du Premier ministre lui-même, le gouvernement soutient qu’il laisse au parlement le soin d’affiner la copie : que ne fait-il pas lui-même ce qu’il croit bon et qui rallie tous les suffrages de la filière depuis des années?

Loyers impayés mais pas d'expulsion : un décret renforce enfin l’indemnisation des propriétaires par l’État

Un piège politique

L’autre péril, c’est justement le marchandage entre le gouvernement et le parlement, à commencer par l’Assemblée nationale à partir du 13 novembre. Le dispositif voulu et souhaitable est un mécanisme d’amortissement, associé à d’autres variables telles que l’enveloppe des déficits fonciers imputables sur le revenu global ou encore la durée de location obligatoire. En clair, plusieurs curseurs qu’on peut faire évoluer comme on l’entend. Ainsi, partant de 2% de taux d’amortissement annuel linéaire, le gouvernement pourrait consentir 2,5% par exemple, se rapprochant ainsi des 3,5% de l’amendement parlementaire inspiré par le rapport Daubresse-Cosson… Sérieusement, la relance d’une secteur majeur aura-t-elle lieu grâce à des marchandages? Imaginez la prescription médicale de trois cachets d’antibiotiques par jour pendant cinq jours, que le pharmacien réduit de moitié par souci d’économie… Le seul problème réside dans l’absence d’effet curatif. Le dosage est aussi important que le choix des médicaments. Les discussions de marchand de tapis -sans vouloir offenser cette profession honorable, injustement stigmatisée par cette expression populaire- que le gouvernement suggère et va orchestrer sont indignes de l’enjeu et des ménages français qui ne trouvent pas de location.

C’est aussi un piège politique. Le gouvernement aura beau jeu, acceptant dans le meilleur des cas de majorer légèrement le taux de 2% qu’il propose, sans doute en multipliant les critères pesant sur le bailleur pour limiter les logements éligibles, de dire qu’il a fait ce qu’il devait et que c’est bien sûr pour solde de tout compte. Il ne faudra plus lui demander quoi que ce soit, et il faudra des années si le dispositif manque de puissance avant que l’État rouvre le dossier et revoie les variables mal ajustées.

Maison non raccordée au tout-à-l’égout : le vendeur doit 20 000 euros aux acheteurs

Le gouvernement a posé un repère très bas

La thérapie est loin d’être encore prescrite et administrée. Les députés ne doivent pas considérer que l’expression la plus vigoureuse du ministre suffit à démontrer que le gouvernement est conscient de la gravité de la situation, notamment à Bercy. Ils ne doivent pas non plus se laisser enfermer dans une discussion sur le taux d’amortissement ou les autres variables dont ils sont déjà les perdants : en écrivant un scénario minimaliste, le gouvernement a posé un repère très bas qui restera la référence de la négociation.

La filière compte sur les députés lucides sur le mal du secteur : ils sont nombreux et honorables. Ils manquent aussi pour beaucoup d’expérience politique et de malice… La pureté n’est pas la seule vertu qui permette de gagner les batailles.