
C’est une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour les entreprises. Dans un arrêt rendu le 19 mars 2025, la Cour de cassation a estimé que «l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu’il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail». En clair, cette décision de la plus haute juridiction judiciaire française laisse entendre qu’un salarié qui a la possibilité de télétravailler pourrait désormais exiger des dommages et intérêts à son entreprise.
«La Cour de cassation considère que le fait de contraindre un salarié à travailler à son domicile porte atteinte à sa vie privée, explique Elodie Cohen-Morvan, avocate spécialisée en droit du travail. A ce titre, il a la possibilité de réclamer des dommages et intérêts à son employeur au titre du préjudice moral.» Concrètement, l’affaire examinée par la Cour de cassation concernait un commercial qui travaillait pour une entreprise de débit de boisson. Ce dernier passait ses journées sur la route et ne disposait pas de bureau, ce qui l’a poussé à réclamer des dommages et intérêts à son entreprise.
Une décision qui entretient le flou
Vous l’aurez compris, pour la Cour de cassation, un salarié qui ne dispose pas de bureau peut exiger une compensation financière. Mais l'arrêt va encore plus loin puisqu’il précise également qu’un salarié qui a la possibilité de télétravailler peut prétendre à des indemnités, même si ce dernier dispose d’un bureau. «La décision de la cour est très floue sur ce point, puisqu'elle laisse entendre que cette indemnisation pourrait s’étendre à tous les salariés en télétravail, poursuit Elodie Cohen-Morvan. Or la possibilité de télétravailler est prévue dans un accord approuvé par le salarié. Il faudra attendre une prochaine décision de la Cour pour y voir plus clair.»
D’après Elodie Cohen-Morvan, cette décision de la Cour de cassation, si elle est confirmée par un nouvel arrêt plus précis, pourrait même contraindre les entreprises à prévoir dans leurs accords collectifs qu’une indemnisation soit versée aux salariés qui bénéficient du télétravail. Et ce, en plus de l'indemnité forfaitaire déjà payée par les employeurs à leurs salariés au titre des remboursements de frais professionnels liés au télétravail. «Cela pourrait permettre aux employeurs d’éviter de se faire attaquer en justice par leurs salariés qui bénéficient du télétravail», anticipe l'avocate.



















