Prodige du code informatique, expert en intelligence artificielle, manager hors pair, stratège de l’innovation ou renard des affaires… Le talent français s’exporte à travers toute la planète, propulsant parfois nos cadres les plus doués au cœur des états-majors des multinationales du high-tech. Notre sélection des profils les plus prometteurs.
Fidji Simo réinvente le shopping alimentaire chez Instacart
Le dernier coup de cette Sétoise de 39 ans, expatriée à San Francisco? L’entrée à la Bourse de New York l’an dernier d’Instacart (3 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 3000 salariés), le champion américain de la livraison de courses à domicile dont Fidji Simo a pris les rênes dès l’été 2021. Depuis, le cours a flambé de plus de 40%, à près de 45 dollars! Une ligne de plus à inscrire sur le CV doré de cette fille de pêcheur à la longue chevelure de jais, toujours très attachée à son fief occitan – elle y retourne au moins une fois par an. Auparavant, cette diplômée de HEC passée par l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) s’était déjà fait remarquer chez Facebook. Fidji Simo y a passé dix ans et en a gravi les échelons jusqu’à devenir un des lieutenants de son fondateur, Mark Zuckerberg. «Fidji est une personne rare qui vous impressionne de plus en plus à mesure que vous apprenez à la connaître», avait dit d’elle le big boss après lui avoir confié la direction du réseau social. La working girl ne demande qu’à entraîner d’autres businesswomen dans son sillage, comme le prouve Women in Product, l’association qu’elle a fondée pour aider les femmes à percer dans le monde très masculin de la tech.
Yann Le Cun éduque les cerveaux artificiels de Meta
Ce pionnier du «deep learning», une branche en plein essor de l’intelligence artificielle, a été recruté il y a onze ans par Mark Zuckerberg pour diriger les recherches de Facebook (rebaptisé depuis Meta) dans cette discipline. Depuis, Yann Le Cun, 64 ans, partage son temps entre le siège du groupe à Menlo Park (Californie), l’université de New York, où il enseigne l’informatique et les neurosciences, et Paris. Dès 2015, ce natif du Val-d’Oise avait convaincu son patron de fonder un laboratoire dans la capitale. Aux côtés de plusieurs centaines d’autres chercheurs, le directeur scientifique de Meta phosphore donc sur de nouveaux réseaux de neurones artificiels, ces sortes de cerveaux numériques entraînés à classer des milliards de données pour répondre à toutes sortes de questions, à la manière de ChatGPT. Lauréat du prix Turing, la plus haute distinction en informatique, le Français prône une recherche ouverte, basée sur la diffusion la plus large possible de ses travaux, qui contribuèrent dès les années 1990 à rendre l’écriture manuscrite lisible par un ordinateur. Ce partage des connaissances reste une condition sine qua non pour repousser les limites de cette technologie qui serait encore, selon lui, 50 fois moins intelligente qu’un enfant de 4 ans.
Matthieu Lorrain convertit Hollywood à l’IA de Google
Voilà déjà seize ans que ce jeune quadra, originaire de Grenoble, a rejoint les équipes de Google à Paris d’abord, puis à New York où il vit depuis 2011. Atypique, sa mission de Creative Lead, AI & Creativity Research consiste à établir des ponts entre les artistes et les chercheurs de la branche DeepMind, le laboratoire d’intelligence artificielle du géant du Net. «Mon job, à la croisée de l’innovation et des partenariats, consiste à expérimenter nos trouvailles auprès des créateurs de contenus, dans la musique ou le cinéma», confie cet ancien vidéo-jockey, équivalent multimédia du DJ dans les fiestas de musique techno. Après avoir été nommé aux Emmy Awards pour sa transposition, il y a deux ans, d’un concert du groupe Gorillaz en réalité virtuelle, ce diplômé de Science po s’ouvre donc de nouveaux horizons avec l’intelligence artificielle. En témoigne le récent projet de court-métrage qu’il a mené avec le réalisateur Donald Glover. La vidéo a été entièrement créée par Veo, une nouvelle IA de Google capable de générer des films à partir d’un simple pitch… De quoi chambouler tout Hollywood, comme Matthieu Lorrain l’a déjà expliqué lors d’une conférence donnée à l’université Columbia, à Manhattan, où il avait été invité en expert.
Pierre-Dimitri Gore-Coty pilote la flotte de livreurs chez Uber
«J’ai eu de la chance.» A 40 ans, Pierre-Dimitri Gore-Coty la joue modeste, assis sur le petit banc en bois d’un café londonien. Mais ne vous fiez pas à son style décontracté. Entré dès 2012 chez Uber comme 112e employé de cette start-up qui en compte désormais plusieurs milliers, ce centralien a grimpé les échelons jusqu’à intégrer le comité exécutif en 2020. «Il y avait un gros doute sur la possibilité d'implanter les VTC en France. Ce fut dur, mais ce projet m’a crédibilisé», analyse après coup celui qui pilote désormais toute la branche de livraison à domicile, en tant que vice-président chargé des activités mondiales d'Uber Eats. Une division dynamique, dont le volume d'affaires à bondi depuis le Covid, de 17 à 50 milliards de dollars. S'il a «traversé la période sombre d’Uber», qui l’a vu passer devant les tribunaux français pour justifier les conditions d'exercice de certains chauffeurs, il se félicite d’avoir «participé au plus grand retournement de l’histoire d’une boîte américaine». Désormais rentable et plus respectable, Uber lui doit beaucoup. «Il est calme et incarne une contre-culture indispensable pour nous, Américains, admet Jill Hazelbaker, la directrice marketing d’Uber. Pierre est un incroyable compétiteur, qui pourrait très bien devenir le patron d’une grande marque française. ». Mais, identifié comme une référence au sein de la tech américaine, l’intéressé ne compte pas encore lâcher le volant.
Olivier Godement exporte les inventions de ChatGPT
C’est un coup de fil de Sam Altman, le grand manitou d’OpenAI, qui a achevé de persuader ce Parisien de 35 ans de rejoindre les équipes de ChatGPT à San Francisco, au printemps 2023. «Après vingt minutes de conversation avec Sam, j’ai compris que ma place était dans son staff», confie Olivier Godement. Ce diplômé de Science po, passé par l’université de Pékin, est convaincu par le projet du nouveau tycoon de la Silicon Valley, qui vise à concevoir une intelligence artificielle généraliste, capable d’assister l’humain dans la plupart de ses tâches intellectuelles. Sa mission, en tant que responsable produit, consiste à rendre les réseaux de neurones d’OpenAI accessibles aux développeurs et aux entreprises du monde entier, pour faire foisonner de nouvelles applications. Si son profil a tapé dans l’œil d’Altman, c’est qu’Olivier Godement est un peu un mouton à cinq pattes, capable aussi bien de développer le business – avant OpenAI, il avait assuré le décollage européen de Stripe, la plateforme américaine de paiement en ligne aujourd’hui valorisée à 70 milliards de dollars – que de mettre le nez dans des lignes de code informatique. Un savoir-faire qu’il a appris à dompter en passionné d’ordinateurs et en quasi-autodidacte, dès son adolescence.
Spatial, quantique, IA : nos start-up savent aussi s'imposer mondialement
Les pensiez-vous juste bonnes à exporter stylos, marinières ou sacs en croco ? A coups d'innovations, nos jeunes pousses partent à l'assaut de la planète et même au-delà, comme Interstellar Lab, une entreprise d'Ivry-sur-Seine (94) primée par la Nasa pour son BioPod, une serre destinée à cultiver les légumes dans l'espace ! Plus proche du plancher des vaches, MIstral AI, notre fer de lance de l'intelligence artificielle, frôle déjà une valorisation de 6 milliards d'euros, après sa dernière levée de fonds menée en juin, avec le soutien du géant californien des puces Nvidia. Aussi prometteurs à l'export, Pasqal et Quandela sont nos deux chefs de file de l'ordinateur quantique, un nouveau concept de machines capable de résoudre des casse-tête ou simuler des expériences impossible à modéliser avec des bécanes ordinaires. En mai, Pasqal a livré un de ses calculateurs à Aramco, le grand énergéticien saoudien. Et Quandela, qui vient d'ouvrir une filiale au Canada, compte déjà en inaugurer une autre en Corée du Sud.
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