Mercredi 1er octobre, le géant chinois de l'ultra fast-fashion a décroché un nouveau trophée. Et pas des moindres ! Grâce à un accord signé avec la Société des grands magasins (SGM), propriétaire du BHV Marais depuis quelques mois, Shein va ouvrir sa première boutique au monde, à Paris, face à l'Hôtel de ville, début novembre. Un incroyable pied-de-nez alors que la plateforme est dans le collimateur des autorités françaises et européennes.

Mais ce n'est pas là son seul projet, puisque Shein prévoit aussi d'ouvrir des boutiques à son nom dans cinq des sept magasins Galeries Lafayette repris par la SGM en 2022 et qu'elle exploite toujours sous franchise. Par cette entremise, Shein ouvrira donc d'ici quelques semaines des boutiques dans les centre-villes de Dijon, Grenoble, Reims, Limoges et Angers et peut se prévaloir de contribuer à «la création de 200 emplois directs et indirects». Quelle victoire!

Les projecteurs braqués sur les Galeries Lafayette qui comptent empêcher le projet

Après la partenariat signé par Shein avec Pimkie, qui avait fait réagir l'Association familiale Mulliez (AFM), ancien propriétaire de la marque de mode, cette nouvelle annonce braque cette fois les projecteurs vers le groupe Galeries Lafayette. D'abord, parce que des magasins portant sa marque vont héberger les boutiques Shein, mais aussi parce que c'est lui qui a accordé sa confiance à la SGM et lui a cédé ces paquebots de centre-ville à la peine.

Rapidement, les Galeries Lafayette ont exprimé leur «profond désaccord avec cette décision au regard du positionnement et des pratiques de cette marque d'Ultra fast fashion qui est en contradiction avec leur offre et leurs valeurs». Surtout, l'entreprise présidée par Nicolas Houzé a assuré que le partenariat décrié était «contraire aux conditions contractuelles d'affiliation qui lient le groupe SGM aux Galeries Lafayette». Le communiqué envoyé le soir-même de l'annonce était des plus fermes : «Les Galeries Lafayette empêcheront la mise en œuvre de cette décision».

La plateforme chinoise a déjà plusieurs experiences d'ouvertures de magasins éphémères, comme celui de la rue de Turenne, à Paris fin septembre 2025.
La plateforme chinoise a déjà plusieurs experiences d'ouvertures de magasins éphémères, comme celui de la rue de Turenne, à Paris fin septembre 2025. © Shein

Pendant que les Galeries se plongent dans leurs contrats, des marques appellent au boycott

Mais la colère des Galeries Lafayette n'a pas fait ciller Frédéric Merlin, cofondateur de la SGM avec sa sœur, qui avait pris soin, avant la révélation du deal, de creuser la question avec ses avocats et ceux de Shein. Depuis la première rencontre entre les deux entreprises, peu avant l'été, et ces dernières semaines pour les négociations finales, «les contrats ont été bien relus», assure-t-on du côté SGM. Ce que l'entreprise lyonnaise a réaffirmé à l'AFP : «ce partenariat est conforme aux conditions contractuelles liant SGM aux Galeries Lafayette», affirme le franchisé, qui espère lever rapidement ce qu'elle considère comme un «malentendu».

Les Galeries Lafayette peuvent difficilement le voir de cet œil, alors que leur marque est l'objet de vives critiques depuis cette annonce. Mais le contrat d'affiliation qui les lie à SGM permettra-t-il d'empêcher la chose, comme ils l'ont affirmé dans l'heure ? N'étant pas dans leurs magasins en propre, ils ne peuvent imposer qu'une partie de l'assortiment et un positionnement général qui soit conforme à l'image de la marque.

Il risque d'ailleurs d'être difficile pour l'enseigne du Boulevard Haussmann de faire valoir que Shein n'est pas en ligne avec son image, alors même que le célèbre grand magasin héberge des enseignes de fast fashion comme Zara, ou bien H&M depuis le printemps dernier.

Déjà, les dirigeants de certaines marques vendues au BHV ont annoncé leur volonté de fermer leur stand dans le grand magasin parisien, à l'instar de Mathilde Lacombe, la fondatrice du label cosmétique Aime. Sur ses réseaux sociaux, Instagram et Linkedin, celle qui est aussi connue pour avoir créé Birchbox, a lancé un appel au boycott du BHV: «Qui nous suit?».

Risque réputationnel et risque financier

Pour le moment, le mouvement ne s'est pas étendu aux Galeries Lafayette de province. Mais cela ne saurait tarder. Si l'ampleur de la fronde peut faire reculer la SGM, elle risque aussi d'atteindre la maison-mère des Galeries Lafayette. D'une part en créant de la confusion dans l'esprit des clients, qui sont nombreux à ignorer que sur les 58 magasins Galeries Lafayette, 38 sont exploités par des partenaires, dont 25 par l'homme d'affaires Michel Ohayon, 7 par la SGM et 3 depuis cette semaine par Socri Limited qui vient d'ouvrir à Nîmes. Ici, c'est la réputation de la marque qui pourrait en prendre un coup, si les clients l'associent à l'enseigne qui aura fait la courte-échelle à l'ogre chinois. D'autre part, parce qu'une baisse de l'activité chez son franchisé entraînerait un recul de ses revenus, étant donné que les Galeries Lafayette prélèvent une commission sur le chiffre d'affaires.

Les prochaines semaines seront décisives pour déminer la bombe que Shein vient de placer sur l'échiquier français du commerce, en plein Paris.