
C’est devenu un adage, qui émaille les discours des promoteurs et des constructeurs, et que ne renient pas les élus locaux locaux: «Maire qui bâtit, maire battu». Il veut dire que les maires qui prennent le risque de bouleverser les équilibres urbanistiques et sociologiques de leur commune sont sanctionnés par les habitants en place, et qu’on ne les réélit pas. On s’accorde à constater en tout cas que, même les édiles qui favorisent plutôt la construction, notamment de logements dans leur ville, lèvent le stylo sur les autorisations de permis de construire au moins un an avant l’échéance électorale suivante, pour ne pas fâcher leur électorat, et gèlent les projets significatifs en cours.
Cette fois, à moins d’un an des prochaines élections municipales, la communauté du logement n’en attend pas moins, en mesurant que ce frein viendrait ajouter ses effets aux autres, économie générale dégradée, ambiance politique lourde, inquiétude géopolitique, taux d’intérêt encore indigestes à beaucoup de ménages. Et si elle se trompait?
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Des finances locales éprouvées
Indéniablement, les maires ne sont pas à la fête : les finances publiques locales sont éprouvées à leur maximum. Du moins ne sont-elles pas déficitaires, puisqu’il est interdit par la loi aux collectivités locales de présenter des budgets non équilibrés. En revanche, le recours à l’endettement n’a jamais été aussi fort et la capacité d’investissement er d’autofinancement des mairies n’a fait que reculer au cours des dernières années. Elles ont aussi joué des hausses fiscales allègrement pour beaucoup d’entre elles : après avoir perdu ou presque le bénéfice de la taxe d’habitation, seulement maintenue pour les résidences secondaires, elles ont hérité de la taxe foncière…qu’elles n’ont pas hésité à augmenter.
On ne redira jamais assez que la suppression de la taxe d’habitation n’aura été qu’une victoire à la Pyrrhus pour les contribuables et qu’on aura habillé Pierre pour déshabiller…Pierre peu de temps après. Les maires n’ont pas caché que la privation mal compensée par l’État des abondantes ressources de la taxe d’habitation, qui constituait 34% de leurs produits, les a incliné à ne pas accueillir de nouveaux habitants, demandeurs de services publics locaux tous azimuts, infinançables. Et pourtant, les plus récents chiffres de la construction sont inhabituels et rompent avec les constats des autres fins de mandat. Ils n’ont étrangement pas fait l’objet de commentaires.
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Un changement de logique chez les maires ?
En effet, en mars 2025, dernier mois connu, les permis de construire délivrés dans le résidentiel sont en hausse de 7% par rapport à février. Cette moyenne cache un rebond de 11% pour les maisons individuelles et un redressement de 4,7% pour les logements dans des immeubles collectifs. Il ne faut pas aller trop vite en besogne et ne pas prendre l’hirondelle pour le printemps. Il reste que l’inflexion est là, et qu’elle annonce peut-être un changement de logique chez les maires. Au demeurant, on pourrait comprendre qu’ils ne réagissent pas cette fois comme lors des précédentes pré-campagnes ou bientôt campagnes électorales : la demande non satisfaite en logements est tellement pressante qu’ils auraient bien du mal à expliquer y être indifférents et préférer ne pas abonder l’offre, quelles qu’en soient les raisons. Huit rendez-vous sur dix dans les permanences des maires portent sur un besoin de logement, social ou privé. Les élus de proximité sont vus par les familles et les individus comme l’ultime recours quant tout a été tenté. Comment les mêmes citoyens désemparés donneraient-ils un satisfecit électoral à un maire qui bloque les autorisations de construire?
Les élus le sentent. D’ailleurs, la fameuse bombe sociale du logement que tant prédisaient il y a déjà trois ans n’a étrangement pas explosé. Aurait-on exagéré les difficultés des Français? Non, certainement pas. C’est juste que les élus locaux sont des amortisseurs sociaux et qu’en étant les récipiendaires des tensions et des malheurs, ils les atténuent, sans même les résoudre le plus souvent. La parole calme. Et puis les situations sont tellement hétérogènes entre les demandeurs de logements qu’on les imagine mal défiler ensemble dans les rues… Bref, on vérifiera en mars 2026, mais il est probable que pour ces élections municipales il vaille mieux afficher un bilan positif de construction dans la commune que l’inverse. «Un maire qui bâtit n’est pas battu.» Changement d’adage.



















