La proposition de loi du député UDR (Union des Droites pour la République) Eric Ciotti, visant à «relancer le secteur du logement», promettait des débats houleux lors de son examen en séance publique par l’Assemblée nationale, ce jeudi 26 juin dans l’après-midi. Mais elle n'a pas pu être examinée, les débats sur les différentes propositions de loi au menu de la niche parlementaire UDR ayant tourné court, après une passe d'armes entre Eric Ciotti et le ministre de la Justice Gérald Darmanin, accusé d'être complice de l'obstruction de la gauche. Plusieurs groupes politiques avaient en tout cas déposé des amendements destinés à supprimer la principale mesure de ce texte, contenue dans son premier article, à savoir l’abaissement, à 10 ans, de la durée de détention permettant de bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur les plus-values de cession immobilière. Pour mémoire, les plus-values immobilières, à l’exception de celles réalisées sur la résidence principale, sont soumises à l’impôt sur le revenu (IR), au taux de 19%, et aux prélèvements sociaux de 17,2%. Soit une imposition globale de 36,2% sur la plus-value de cession de votre résidence secondaire ou d’un investissement locatif.

La plus-value imposable bénéficie toutefois d’abattements pour durée de détention, qui réduisent son montant et, donc, l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux que vous paierez dessus. Ainsi, de la sixième à la 21ème année de détention, vous profitez d’un abattement de 6% par an sur la plus-value de cession au titre de l’IR, et d’un abattement de 1,65% au titre des prélèvements sociaux. Et, après 22 ans de détention du bien, la plus-value de cession est intégralement exonérée d’impôt sur le revenu. Idem pour les prélèvements sociaux mais au bout de 30 ans. Pas de quoi se précipiter pour vendre son bien ! C'est donc pour inciter les propriétaires à remettre plus rapidement des biens sur le marché, dans le contexte actuel de pénurie de logements, qu’Eric Ciotti souhaite abaisser à 10 ans la durée de détention nécessaire pour bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur les plus-values de cession immobilière.

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Un gain de 3 milliards d’euros pour les finances publiques

Les députés du groupe Socialistes et apparentés ne l’entendent pas de cette oreille. Ils souhaitent supprimer purement et simplement l’article premier de la proposition de loi. Rappelant que l’imposition sur les plus-values immobilières a rapporté 3 milliards d’euros en 2024, ils soulignent qu’elle «contribue au financement de la Sécurité sociale et (plus largement) au budget de l’Etat». Ils estiment en outre que «cette taxe vise à limiter la spéculation immobilière en rendant la détention longue plus attractive fiscalement».

Leurs collègues LFI-NFP (La France insoumise-Nouveau Front populaire) veulent eux aussi supprimer cet article, qui «reviendrait à accorder un avantage fiscal considérable aux propriétaires fonciers et rentiers immobiliers». Les députés du groupe Ecologiste et Social ont également déposé un amendement pour supprimer cet article, qu’ils qualifient de «véritable cadeau fiscal aux multipropriétaires». «Cette mesure s’avère socialement injustifiée, budgétairement coûteuse et aucunement en mesure de répondre à la crise du logement», insistent-ils.

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Moratoire sur l’interdiction de location des passoires thermiques

La seconde mesure de la proposition de loi d’Eric Ciotti, contenue dans l’article 3, fait elle aussi débat. Elle prévoit un «moratoire», sans autre précision, sur l’interdiction de mise en location des passoires thermiques. Pour rappel, en vertu de la loi Climat et Résilience de 2021, les logements classés G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) sont interdits de mise en location depuis le 1er janvier dernier. Une interdiction qui frappera les biens classés F en 2028, puis ceux notés E en 2034. Compte tenu du «coût des rénovations énergétiques, souvent lourd pour les petits bailleurs», Eric Ciotti entend ainsi leur «donner le temps nécessaire à l’adaptation» de leurs logements aux performances énergétiques exigées par la loi.

«En maintenant ad vitam æternam les passoires énergétiques sur le marché locatif, cet article 3 nie le fait que la décence énergétique d’un logement constitue un élément essentiel pour garantir de bonnes conditions de vie aux locataires et préserver leur pouvoir d’achat», gronde le député Bastien Marchive (Parti radical), qui a déposé un amendement afin de supprimer cette disposition. Le groupe Ecologiste et Social a fait de même, comme LFI-NFP et les socialistes. «Alors que la France compte près de 5 millions de passoires thermiques dans le parc des résidences principales, il apparaît indispensable de soutenir la poursuite de ce dispositif», argumente le groupe Socialistes et apparentés.