
Les passoires thermiques, ces logements très énergivores notés E, F ou G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), ne sont pas forcément des repoussoirs pour les acheteurs immobiliers. «Certains primo-accédants sont disposés à acquérir une passoire thermique, synonyme de décote», confie à Capital Guillaume Martinaud, président de la coopérative d’agences immobilières Orpi. Les biens classés G et F se vendent en effet 7% à 15% moins cher que ceux notés D, selon les notaires du Grand Paris. A telle enseigne que l’achat puis la rénovation d’une passoire thermique peut s’avérer plus rentable que l’acquisition d’un logement neuf. Mais tout dépend du marché immobilier local et de l’écart entre le prix du neuf et celui de l’ancien : un pari gagnant à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) ne le sera pas forcément à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).
La plateforme Maslow.immo, spécialisée dans l’investissement locatif, a étudié 115 communes de plus de 40 000 habitants en les croisant avec les données de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Selon son étude, le prix au mètre carré de l’immobilier résidentiel neuf, dont le DPE est A ou B, est supérieur de plus de 1 000 euros à celui des passoires thermiques E et F dans 32 villes. Maslow.immo n’a pas pris en compte les biens classés G, qui revêtent un intérêt moindre pour les investisseurs locatifs, car ils sont interdits de mise en location depuis le 1er janvier 2025, à moins de faire l’objet de lourds travaux de rénovation énergétique.
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Primo-accédant versus investisseur locatif
Si les logements neufs sont 15% à 20% plus onéreux que les biens anciens, c’est en raison des coûts d’acquisition du foncier, des matériaux de construction, de la TVA et des nouvelles normes environnementales. Ainsi, à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, «un logement neuf vaut 11 200 euros le mètre carré, contre 9 000 euros pour un appartement noté E ou F, soit un écart de 2 200 euros», illustre Pierre-Emmanuel Jus, directeur délégué de Maslow.immo. Un primo-accédant, à la recherche de sa première résidence principale à Boulogne, a donc tout intérêt à jeter son dévolu sur une passoire thermique. Surtout qu’il n’a aucune obligation de la rénover, contrairement à un investisseur locatif, qui n’aura plus le droit de louer un logement F à partir de 2028 et un bien E à compter de 2034.
Mais, même pour un investisseur locatif, acheter et rénover une passoire thermique à Boulogne s’avère plus intéressant qu’une acquisition dans le neuf : «L’Ademe, entre autres, évalue le coût moyen d’une rénovation énergétique à 750 euros par mètre carré. En achetant une passoire thermique à 9 000 euros le mètre carré à Boulogne et en la rénovant pour 750 euros du mètre carré, je dépense moins que pour un investissement dans le neuf», démontre Pierre-Emmanuel Jus. Une stratégie pertinente en Ile-de-France, où sont situées sept des 10 villes où l’écart de prix entre le neuf et les passoires thermiques est le plus important.
Attention au coût de la rénovation énergétique
A l’opposé, à Caen, mieux vaut investir dans le neuf, dont le prix au mètre carré est supérieur de seulement 96 euros à celui de biens classés E ou F. Surtout que, dans le cas d’un investissement locatif, il convient d’ajouter au prix d’achat de la passoire thermique le coût de la rénovation énergétique, obligatoire pour continuer à louer après 2028 et 2034, soit 750 euros par mètre carré. Idem à Lille, où le mètre carré neuf vaut 189 euros de plus qu’un logement noté E ou F. «C’est assez contre-intuitif car, comme il y a peu d’offre dans le neuf à Lille, on aurait pu penser qu’une faible concurrence entre promoteurs déboucherait sur des prix très supérieurs à ceux de l’ancien. Or ce n’est pas le cas, sans doute parce que l’immobilier ancien est assez cher dans cette ville», analyse Pierre-Emmanuel Jus.




















