
Il faut bien l’avouer, le secteur de l’épargne n’a pas attendu l’avènement de ChatGPT pour se mettre aux algorithmes. Et notamment pour piloter au quotidien des dépenses personnelles. C’est ainsi que, depuis sa création en 2011, l’agrégateur de comptes bancaires Bankin’ (plus de 1 million de comptes gérés) proposait déjà un tel logiciel d’automatisation. L’outil permettait notamment à l’utilisateur de catégoriser ses dépenses, définir un objectif d’épargne ou programmer des alertes en cas de dépassement de plafond.
La nouveauté, c’est que le débarquement de l’IA générative permet de singulièrement muscler cette gestion, comme le prouve la nouvelle version de l’outil de Bankin’, lancée en septembre et basée sur des questions préétablies. «L’objectif est de simplifier encore plus la surveillance et la gestion d’un budget. Si l’utilisateur demande “Combien puis-je emprunter pour un achat immobilier ?”, l’IA lui proposera une simulation et une mise en relation avec un courtier. S’il pose plutôt la question “Y a-t-il des mouvements inhabituels à surveiller sur mes comptes ?”, elle analyse ces derniers pour signaler doublons ou fournisseurs inconnus. Et s’il souhaite savoir “Comment économiser 500 euros ce mois-ci ?“, elle lui proposera des dépenses accessoires à réduire», précise son directeur général, Guillaume Sarthoulet.
L'intelligence artificielle sélectionnera et pilotera vos placements
Mais n’imaginez pas que l'intelligence artificielle va se limiter à la seule gestion de vos liquidités : les IA spécialisées comptent aussi s’attaquer à la sélection, et au pilotage, de tous les placements, y compris les plus complexes, comme l’investissement boursier. C’est ainsi que, depuis l’été dernier, la plateforme eToro permet, grâce à l’IA, de personnaliser encore davantage ses tableaux de bord et ses simulations de portefeuilles, avant de les partager avec sa communauté. «Grâce à l’algorithme d’eToro , je conçois ma stratégie d’investissement en fonction de mon appétence au risque et de mon historique. Et je peux aussi faire automatiquement évoluer mes scénarios et l’allocation d’actifs en fonction des conditions de marché», s’enthousiasme Heloïse Greeff, l’une des popular investors les plus suivies sur eToro, avec plus de 6 000 abonnés.
Plus surprenant, l’IA vient désormais aussi en aide aux adeptes de la pierre-papier et des quelques 200 SCPI du marché. Comme chez Figen AI, une société qui a lancé, début septembre, SCPI.ai, un outil d’analyse de tous ces fonds immobiliers sur près de 200 critères, avec plus de dix ans d’historique. Chez Grisbee, une fintech pilotant près de 200 millions d’encours, c’est même la stratégie pour effacer ses impôts, via des produits dédiés, que l’IA définit !
«En fonction de la situation patrimoniale et de l’appétence au risque du client, notre coach patrimonial formule un diagnostic, puis des recommandations de défiscalisation en matière d’impôt sur le revenu ou de droits de succession», résume le cofondateur de Grisbee, Frédéric Billot de Lochner. Pour raboter sa note fiscale, l’outil pourra par exemple proposer le placement le plus adapté entre un PER, un Girardin industriel, un FCPI ou un investissement forestier.
L'IA s'adressera à tous les portefeuilles
Et ne croyez pas que ces fonctionnalités soient réservées aux plus fortunés, capables de s’offrir les services d’un conseiller en gestion de patrimoine ou d’un family office. Même les réseaux bancaires s’y mettent. BNP Paribas a ainsi déployé, dans ses agences, une solution d’allocation d’actifs intelligente, et sur mesure. «L’ensemble des paramètres du client –connaissance financière, capacité à supporter des pertes, profil de risque, préférences en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), etc. – et l’univers des produits sont devenus tellement considérables qu’il devient extrêmement difficile pour un conseiller d’apporter seul la solution la plus adaptée, explique Jérémie Noé, responsable data et IA du pôle Investment & Protection Service de BNP Paribas. La capacité de calcul de notre outil lui permet ainsi de se concentrer sur l’écoute et le conseil.»
Depuis deux ans, ce logiciel sait même générer des textes, rédigés en langage naturel, pour détailler de façon compréhensible la pertinence de sa proposition. Et c’est loin d’être fini : la banque a signé, l’année dernière, un contrat pluriannuel avec Mistral AI, notamment pour développer des assistants virtuels, qui serviront par exemple aux clients de sa filiale en ligne Hello bank!.
Un outil d'aide à la décision pour les conseillers financiers
L’intérêt de ces outils dopés à l’IA est, bien évidemment, de permettre une gestion toujours plus fine, et individualisée, du patrimoine des épargnants. «Notre coach patrimonial détecte automatiquement des anomalies ou des besoins, afin d’émettre des recommandations personnalisées auprès de nos 100 000 clients, en fonction de leur âge, de leur situation professionnelle ou du contexte macroéconomique, et cela parmi une architecture ouverte de plusieurs milliers de produits», décrit Loïc Bocher, directeur de la stratégie digitale et marketing du groupe Crystal qui a repris, en 2021, l’outil de Grisbee. Alors que les crises économiques se multiplient, la réactivité dans la gestion s’améliore aussi : un changement de politique des taux directeur de la BCE, et l’IA de Grisbee propose automatiquement de nouveaux arbitrages sur les fonds euros de l’ensemble des clients.
Alors, pourrez-vous bientôt vous passer des intermédiaires financiers et, surtout, de leurs frais de gestion ? Pas si sûr : comme le montre notre test, le conseiller humain est le seul à avoir eu une approche globale du cas que nous lui avons soumis et à avoir livré une stratégie compréhensible de bout en bout. Signalons d’ailleurs que, dans la plupart des sociétés financières utilisant l’IA, c’est le conseiller en charge du compte qui garde, quoi qu’il arrive, le dernier mot. «Il s’agit plutôt d’un outil d’aide à la décision à partir duquel nos conseillers vont affiner leurs solutions, car l’IA commet encore régulièrement des erreurs, par exemple à propos de la fiscalité des régimes particuliers», prévient Frédéric Billot de Lochner, chez Grisbee.
Notre match, ChatGPT contre un conseiller financier
- Résumé du cas soumis (sous forme de prompt auprès de l’IA) :
Famille de 2 adultes (42 et 44 ans) et 2 enfants (10 et 13 ans) • salaire total de 70 000 euros par an • épargne disponible de 40 000 euros, dont 15 000 euros sur un Livret A et 25 000 euros sur le fonds euros d’une assurance vie • crédit de 10 ans sur la résidence principale.
Objectifs d’épargne :
Complément de retraite de 500 euros par mois à partir de 64 ans et financement des études des enfants (15 000 euros de dépenses par an à prévoir). Appétence au risque modérée et volonté d’épargner si possible de manière éthique avec des investissements socialement responsables (ISR).

Notre avis :
Il a fallu huit minutes à ChatGPT pour livrer sa stratégie, qui se rapproche plus que nous ne l’aurions pensé de celle de notre CGP. Les deux conseillent en effet d’ouvrir les mêmes produits, de ne laisser que 10 000 euros sur le Livret A, et préconisent un effort d’épargne très similaire pour la retraite. Si l’IA, suivant en cela notre prompt, a été jusqu’à indiquer des noms de produits à ouvrir, ses conseils manquent encore d’explications et de lisibilité. De son côté, la CGP a été la seule à poser des questions en plus sur la situation fiscale et matrimoniale de ce couple fictif. Et ses préconisations restent plus claires, argumentées et détaillées.
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