L'histoire se répète. L’année dernière, le budget 2025 avait été adopté non sans difficulté le 14 février, des semaines après la date butoir fixée au 31 décembre de l’année précédente. Le morcellement de l’Assemblée nationale, la chute de Michel Barnier, remplacé par François Bayrou, avaient ralenti l’adoption du projet de loi de finances. Cette année, la tâche s’annonce tout aussi compliquée.

Au lendemain de la chute de François Bayrou - le Premier ministre doit donner sa démission ce mardi 9 septembre à Emmanuel Macron - le projet de budget sur lequel il avait sollicité un vote de confiance des députés est mis sur pause. Du moins jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier ministre. Cela devrait avoir lieu «dans les tout prochains jours», a assuré l’Elysée lundi dans un communiqué.

Jusqu’au 13 octobre pour transmettre le projet de budget 2026 au Parlement

Et il y a urgence. «La France a besoin d’un budget dans les temps», face à une situation financière qui n’est «pas critique mais tout de même préoccupante», a insisté le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, le 31 août sur LCI. L’adoption du projet de loi de finances (PLF) ainsi que du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) est strictement encadrée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Elle dispose que le projet de loi de finances doit être déposé au Parlement le premier mardi d’octobre au plus tard, ce qui tombe donc cette année le 7 octobre. Puis les textes doivent être examinés à l’Assemblée nationale et au Sénat pour une durée maximum de 70 jours pour le PLF et de 50 jours pour le PLFSS. La date limite est fixée au 31 décembre.

Interrogée par Le Monde le 1er septembre, Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, concilie quelques jours de souplesse : «L’essentiel est de respecter les 70 jours d’examen par le Parlement prévus ensuite par la Constitution, puis le temps nécessaire au Conseil constitutionnel pour valider à son tour la loi. Cela signifie que nous avons jusqu’au 13 octobre pour transmettre le texte à l’Assemblée et enclencher la phase de négociation politique avec les groupes qui le voudront pour parvenir à un nouveau compromis», affirme-t-elle.

Suivant la date à laquelle il sera désigné, le remplaçant de François Bayrou et son gouvernement disposeront donc d'environ un mois pour mettre sur pied un budget. En fonction de sa couleur politique, la nouvelle équipe gouvernementale pourrait reprendre une partie des dispositions du projet de budget de François Bayrou pour un gain de temps précieux.

Vers une nouvelle loi spéciale ?

Le gouvernement Bayrou a déjà complété les premières étapes de la procédure. Le Béarnais a présenté son projet de budget le 15 juillet et a rendu public dans la foulée le «tiré à part», un rapport qui récapitule le montant des dépenses allouées par mission et les grandes lignes du budget. Les articles des projets de loi de finances ont ensuite été rédigés puis transmis au Conseil d’Etat pour un premier avis. Sans chute du gouvernement, l'équipe ministérielle aurait ensuite sollicité l'avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP) concernant son projet de budget.

Désormais démissionnaire, le gouvernement de François Bayrou ne peut plus que s’occuper de la gestion des affaires courantes. En principe, le Premier ministre et son équipe ne peuvent plus avancer sur le budget 2026. «Passé le 13 octobre, il n’est plus possible d’avoir un budget promulgué au 1er janvier, et nous entrerons mécaniquement dans le système des "services votés"», met en garde Amélie de Montchalin

En effet, passé la date du 31 décembre, le gouvernement peut avoir recours à la loi spéciale. Elle permet d’assurer la continuité des services publics en reconduisant les crédits du budget de l’année précédente pour l’année suivante. C’est ce dispositif qui a été utilisé l’an derrière avant que le projet de loi de finances 2026 ne soit finalement adopté mi-février. D’autres solutions existent : le gouvernement peut aussi opter pour les ordonnances pour faire passer son budget. «Certains imaginent que le mieux serait de ne rien faire, de vivre sous ce régime de la loi spéciale plutôt que de trouver un compromis qui demandera effectivement du courage à chacun pour converger sur l’essentiel», proteste Amélie de Montchalin qui prône avant tout un «accord avant le 31 décembre».